Hier après-midi, le PM a animé une longue conférence de presse retransmise en direct par les stations de radio (ce qui a visiblement chamboulé leur programmation).
Qu’ai-je donc retenu de cet exercice?
D’abord, le PM est confiant, très confiant. Il paraît qu’il a commandé un sondage (ce qu’il a confirmé en disant même que l’échantillon est plus grand que celui de Sofres, donc plus fiable mais il n’a pas parlé du type de questions posées…) et que les résultats démontrent que son parti recueille une majorité de plus de 55%. Il joue donc avec l’assurance d’avoir les atouts pour dicter les règles du jeu. Il fait durer le suspense. Ira-t-il seul aux élections ou fera-t-il alliance avec le MMM et le MSM? Il s’est permis de fustiger tous ceux qui spéculent (la presse) et ceux qui veulent faire basculer en leur faveur le jeu des alliances y compris au sein de son parti et de son cabinet. Il ne s’est pas privé pour égratigner ses propres ministres (Tang par exemple) et ses fidèles (Sidaya).
Il sait que tous ses membres de parti lui prêtent une allégeance sans bornes, au point de se comporter en groupies aveugles et hystériques riant bêtement de ses blagues et applaudissant fièvreusement ses propos pour se faire bien voir. L’adoration du leader suprême est ici à son comble (et les autres partis sont aussi victimes du même phénomène).
Sa confiance est telle qu’il utilise un langage cru, voire grossier avec des termes peu dignes tels que ‘couyonade’, ‘mone amerdé’, ‘bézé’ et j’en passe et aussi des anecdotes qui blessent, un argumentaire proche de celui de la rue, voire des quartiers mal famés. De deux choses l’une, soit cela va rebuter les gens car cela manquait de finesse et de dignité, soit les gens se réjouiront que le PM parle le langage de la rue. Avinash et moi n’avons pas manqué de lever des sourcils sur les expressions, les anecdotes et le manque de direction dans un discours premier-ministériel qui ressemblait plutôt à un discours de chef de parti en meeting populaire à la sauce floklore locale. Mais bon, nous sommes peu représentatifs de la population, je suppose.
L’annonce en faveur du rétablissement de la peine de mort nous a fait bondir. L’argumentaire était pauvre sur ce sujet. Il a commencé par parler de la nécessité de durcir les lois pour punir les témoins dans les affaires de drogue (en référence à l’affaire Cindy Legallant et Sada Curpen) pour justifier cette décision applaudie par les aficionados du parti. Curieuse logique, n’est-ce pas?
Enfin, logique de la rue, de la foule hystérique, donc populaire. Il sera forcément reconduit à son fauteuil grâce à cela et grâce à l’imbécile attitude des partis d’opposition qui quémandent une allaince avec le PM. Ce sont eux les perdants dans tous les cas.
Nou, nou bizin continié manze pistas guetté ek subir sa cinéma ki de mové kalité la…
PS: Une décision mérite d’être saluée, celle de rendre obligatoire la présentation de la carte d’identité pour pouvoir voter. Il était temps!
1132nd says
Personnellement, j’analyse ce discours sur plusieurs plans:
Premièrement, Navin Ramgoolam a parlé, dans un premier temps, en tant que Leader du Parti Travailliste qui s’adresse à ses proches collaborateurs et supporteurs. Dans ce premier volet, trois niveaux de langage ont été utilisés pour subtilement mettre une tape en guise d’avertissement : un premier à l’égard de ses ministres, un deuxième en direction de ceux chassant les tickets et puis un troisième envers ces “roder boutes” qui “cherchent désespéremment à le recontrer depuis 5 ans”.
Deuxièmement, il a changé de casquette pour parler en tant que Premier ministre. Peut-être n’a-t-il pas vraiment réussi la transition, le cadre, l’assistance et l’ambiance du lieu l’emportant. Son langage “proche du peuple” n’était pas destiné à ceux dont on dit “l’électorat flottant”, mais ceux qui votent irrationnellement. Par cela, je veux dire ceux qui votent par réflexe identitaire (communautariste ou casteiste). Il est important ici de soulever l’allusion trop fréquent au “créole” qui est représenté par le Parti Travailliste, ce parti “d’unité nationale” mais qui est délaissé par cette tranche de la population.
Finalement, Navin Ramgoolam change à nouveau de casquette pour celle de politico-stratège. Il fait deux pas en avant, deux pas en arrière. Il avoue avoir eu des rencontres, mais il refuse l’idée d’alliance pour l’instant. Il reconnaît un intérêt, mais dit préférer aller seul aux élections. Rarement un politicien mauricien a dit tout et son contraire sur autant de thèmes lors d’un discours public. Au final, il brouille les pistes pour tout le monde, y compris ceux au sein de son parti.
S’il s’est permis une telle communication politique, c’est parce que le récent sondage le réconforte dans ses “intel”. Il afficherait plus de 52% au minimum dans toutes les questions posées lors de l’exercice. Malgré les quelques aboiements du peuple, Navin Ramgoolam poursuit son mandat.
christinam says
Je suis assez d’accord avec l’analyse. Ce qui m’amène à penser que nos politiciens se mélangent les pinceaux (entendre les audiences cible) en oubliant que le média radiophonique retransmet en direct leurs discours et que cela donne lieu à un véritable bazar. Fallait-il pour lui que tous les Mauriciens entendent ce type de langage et les claques données à ses ministres et fidèles? A terme, ce mélange de genres pourrait nuire à leur image auprès du public en général. En plus c’était décousu à souhait.
Mais bon, c’est aussi le reflet du niveau de discours et de réflexion politique ambiant. Et puis, peut-etre bien que le peuple s’en délecte. Ca fait tellement genre feuilleton télé, le genre le plus plébiscité jusque-là. Nous aurions donc les politiciens que nous méritons…
1132nd says
“A terme, ce mélange de genres pourrait nuire à leur image auprès du public en général. En plus c’était décousu à souhait”
D’ailleurs, ca a déjà commencé, notamment sur la question de la peine de mort. Je consacre d’ailleurs une micro-analyse là-dessus dans mon dernier article sur mon blog.